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Analyser les erreurs des élèves

jeudi 24 juin 2021, par phil

1. Les erreurs peuvent relever de la difficulté de compréhension de consignes

La première raison de ces difficultés est que les questions sont plus claires pour celui qui les pose (il connaît la réponse) que pour celui qui les lit (et qui se demande ce qu’il faut répondre). Les élèves savent-ils qu’on attend parfois une réponse brève, une information qui est dans le texte ou un développement ? A la correction, certains répondent : « Mais je le savais ! ».
- Proposer d’effectuer un travail sur la compréhension de consignes (multiplier les consignes à partir d’un même support, analyser et reformuler des consignes, analyser ce dont on a besoin, traduire pour le cycle 3 des consignes injonctives sous forme d’un texte narratif, établir la correspondance entre une série de consignes et une série de réponses). Faire deviner par les élèves les questions possibles. A l’école, les élèves ne font souvent que répondre à des questions, alors que dans la vie, c’est l’individu qui pose des questions. Les évaluations nationales GS/CP, CE2 et 6e accordent une place à la compréhension de consignes. C’est donc qu’elles font partie du processus d’apprentissage et qu’à ce titre, il ne faut pas les négliger !

2. Les erreurs peuvent résulter d’habitudes scolaires et d’un mauvais décodage des attentes.

La classe fonctionne comme une société disposant de ses propres règles, sans que celles-ci soient formellement édictées. Il faut cependant les respecter, car leur transgression est sanctionnée. Elles sont implicites.
- Analyser le contrat didactique et les coutumes en vigueur, et effectuer un travail critique sur les attentes. Rendre les règles explicites, les dire, les écrire. « Ce que j’attends de vous … C’est …. »

3. Les erreurs témoignent des conceptions alternatives des élèves (appelées aussi représentations).

Comprendre la signification de ces représentations est un détour indispensable pour modifier le statut que l’on donne à certaines erreurs des élèves.
- De Vecchi et Giordan proposent de les entendre (écoute positive), de les comprendre, de les faire identifier (expression orale, écriture ou dessin), de faire discuter une autre conception (celle d’un élève), de placer l’élève en situation de raisonner par la négative (« Si le soleil n’existait pas ? »), de travailler sur des métaphores (« Si c’était un pays, ce serait… »), de provoquer une contradiction (« En expirant, on rejette du mauvais air, alors pourquoi fait-on du bouche à bouche ? »), de faire jouer des jeux de rôles surtout aux jeunes enfants (« Je suis l’estomac, je suis du fer… »).

4. Les erreurs sont liées aux opérations intellectuelles impliquées.

Gérard Vergnaud montre comment les problèmes qui se résolvent par une addition sont toujours plus faciles s’ils correspondent à un gain plutôt qu’à une perte. Pour le problème suivant « La maîtresse a 42 cahiers et le directeur lui apporte un carton. Elle en a maintenant 67. Quel est le nombre de cahiers apportés par le directeur ? », il faut faire une soustraction dans un problème concernant une augmentation. L’apprentissage de l’addition et de la soustraction, loin de se limiter à un mécanisme de connaissance de base, se construit à long terme. Aussi, les évaluations nationales, avant d’évaluer les élèves, évaluent la plus ou moins grande difficulté des questions pour tous, et elles pourraient signaler aux équipes pédagogiques où se situent les nœuds de difficulté à surveiller dans les progressions.
- Se centrer sur le contenu pour finalement mieux se centrer sur l’élève.

5. Les erreurs portent sur les démarches adoptées.

On considère parfois comme erronées, les propositions des élèves quand elles s’écartent de la méthode type.
- Permettre aux élèves des les exprimer collectivement. Le travail sur les différentes stratégies peut favoriser les évolutions individuelles (Vygotski appelle cela « la zone proximale de développement »). A la fin d’un exercice, on peut relever les différentes procédures et demander aux élèves de les classer de la moins experte (plus lente, malhabile) à l’experte (réponse idéale).

6. Les erreurs sont parfois dues à une surcharge cognitive au cours de l’activité.

Parler de la mémoire à l’école, évoque plutôt immédiatement, celle à long terme, en jeu quand il faut apprendre la leçon ou réviser un examen. Pourtant, dans les activités scolaires, la mémoire de travail est au moins aussi importante. Elle se caractérise par sa capacité très limitée et par le temps court de conservation des opérations (c’est grâce à elle qu’on retient, par exemple, un numéro de téléphone entre le moment de sa lecture dans l’agenda et celui de sa composition sur le téléphone). Elle est très sensible aux interférences (si quelqu’un nous parle en même temps, cela suffit pour être obligé de rouvrir l’agenda !). Certains élèves, dans des calculs rapides faisant intervenir des retenues, se trouvent rapidement en situation de surcharge cognitive, car ils oublient certains éléments. Pris dans leurs calculs, ils en perdent le sens, ne savent plus où ils sont et arrivent à trouver des nombres effarants, sans s’en apercevoir.
- Evaluer mieux la charge mentale de l’activité et décomposer l’activité en sous-tâches plus faciles à gérer au niveau de la mémoire. Anticiper : valeur approchée de la réponse en mathématiques.

7. Les erreurs peuvent avoir leur origine dans une autre discipline.

Quand on transfère bien, c’est que l’on a déjà compris qu’il y avait matière à transversalité. L’enfant ne progresse que si il est en mesure de pratiquer un changement de cadre et de l’expérimenter personnellement, avec des outils qu’il maîtrisent, exemple le mot « sujet » en histoire, en français ou le mot « sommet » en géographie, en géométrie.
- Travailler les éléments invariants entre les différentes situations. 8. Enfin, l’origine de l’erreur peut être recherchée du côté d’une complexité propre au contenu d’enseignement.
- Reprendre l’apprentissage à son point de départ en modifiant les situations, en introduisant des supports très concrets, en les variant et en multipliant les manipulations. En conclusion, mettre l’erreur au cœur des apprentissages permet de questionner le sens des activités scolaires. Cela peut être angoissant pour les enseignants, mais ce n’est peut-être pas si étranger qu’il y paraît à la question de la violence à l’école…

Bibliographie : • Jean-Pierre Astolfi « L’erreur, un outil pour enseigner » (ESF – 1997) • André Giordan et Gérard De Vecchi « Les origines du savoir » (Delachaux et Niestlé – 1987) et « Aider les élèves à apprendre » (Hachette Education – 1992) • Alain Lieury « Mémoire et réussite scolaire » (Dunod – 1991)