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Pour Roland Goigoux, il faut aider les enseignants à devenir des spécialites de l’apprentissage, de surcroît individualisé

vendredi 12 février 2021, par phil

- « Hétérogénéité des classes » ?

- Les enseignants utilisent ce vocable pour désigner leurs difficultés à prendre en charge trois sortes d’enfants : ceux dont le comportement dérange la classe (turbulents, arrogants, désintéressés, etc), ceux dont le niveau scolaire est trop éloigné de ce qui est attendu et ceux, présentant un handicap, dont l’intégration exige une prise en charge spécifique. L’hétérogénéité semble être synonyme d’attention extrême à apporter à une minorité d’élèves qui dérèglent l’activité ordinaire d’enseignement.

- Un phénomène nouveau ?

- Non et cela ne posait pas beaucoup de problèmes tant que la demande sociale adressée à l’école n’était pas la réussite de tous. Mais aujourd’hui, les maîtres ne doivent plus laisser un seul enfant au bord du chemin. L’instauration du socle commun est l’affirmation d’un savoir minimum garanti. Si certains ont dénoncé l’appauvrissement des ambitions éducatives associé à l’adjectif minimum, peu ont souligné la pression qu’allait exercer l’engagement à le garantir à tous. Or, les enseignants se sentent impuissants à atteindre les objectifs qui leur sont assignés et coupables de ne pas y parvenir ; deux sources de souffrance au travail, communes à bon nombre d’univers professionnels.

- Le manque ?

- Il s’agit aussi d’un manque de compétences pédagogiques, mis notamment en évidence par le dispositif d’aide personnalisée, la « différenciation pédagogique » enfin à la portée de tous. Quand les enseignants se sont retrouvés face à de petits groupes d’élèves, ils ont pu mesurer leur impuissance à leur apporter une aide suffisante lorsque les difficultés dépassaient le simple soutien, qu’il fallait replanifier l’enseignement et concevoir de nouvelles tâches, par exemple revenir en arrière sur des apprentissages fondamentaux non acquis. L’aide personnalisée a mis à l’épreuve la valeur professionnelle des maîtres qui, à travers l’enquête, réclament de l’aide pour faire face.

- Changement de métier ?

- Oui, autrefois, on demandait aux enseignants du primaire d’étudier l’intégralité d’un programme, aujourd’hui on exige que tous leurs élèves maîtrisent les notions inscrites dans ce programme. Ils étaient formés à l’enseignement collectif, on leur demande de devenir des spécialistes de l’apprentissage, individualisé de surcroît. Les enseignants évoquent aussi leur conviction que les élèves changent : moins attentifs, moins motivés, ils sont également de plus en plus nombreux, à être en très grande difficulté, sur le plan du comportement, et sur celui des apprentissages scolaires, souvent les deux. D’ailleurs le nombre de jeunes enfants en très grande difficulté langagière augmente, probablement en raison des difficultés sociales croissantes d’une partie de la population pauvre. Le fossé se creuse, à l’école comme dans la société.

- Quelles pistes d’amélioration ?

- Je n’en évoquerai qu’une : il faut apporter de l’aide aux maîtres, pas seulement aux élèves. Sans négliger les questions d’organisation (revoir les programmes, réorganiser la semaine, alléger les effectifs...), il faut mettre l’accent sur le développement des compétences pédagogiques, individuelles et collectives, des enseignants pour leur permettre d’être des spécialistes des apprentissages scolaires. Outre une refonte totale de la formation continue, je propose le détachement de maîtres surnuméraires, reconnus pour leurs compétences pédagogiques et élus pour 4 ans par leurs pairs, disponibles pour aider leurs collègues à analyser les difficultés des élèves et pour concevoir, avec eux, les meilleurs dispositifs d’enseignement. Un vrai travail d’équipe, animé par des enseignants volontaires et bien formés, hors ligne hiérarchique, travaillant en étroite collaboration avec les équipes de circonscription, les formateurs et les chercheurs.


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Extrait d’article paru dans Fenêtres sur cours, Août 2011