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Les défis du 21e siècle

vendredi 15 janvier 2021, par phil

A l’éducation à la tolérance Il ne sert à rien de vouloir lutter contre l’intolérance si on n’arrive pas à créer les conditions d’éducation à la tolérance. Une conception laïque de la société et de la vie en société repose sur le principe de tolérance active, qui respecte la personne de l’autre, même si on ne partage pas ses idées et qu’on les combat. Cette notion est fondamentale : combattre les idées de quelqu’un est un droit lié à la liberté d’expression. Ce droit ne donne toutefois pas celui de s’en prendre à la personne de son contradicteur. Un tel comportement ne peut être le résultat que d’une éducation appropriée. Les lauréats du prix Nobel de la paix, réunis à Vienne en 1993 lors de la deuxième conférence mondiale sur les droits de l’homme, le rappellent bien à propos : La seule façon de régler de façon permanente les conflits qui sévissent encore de par le monde, c’est de s’attaquer aux principales causes de violation des droits de l’homme. Les guerres ethniques, le militarisme croissant, l’antagonisme racial, religieux, culturel et idéologique et le déni de la justice sociale cesseront si tous les individus sont élevés, éduqués et formés dans un esprit de tolérance fondé sur le respect des droits de l’homme. » C’est l’objet de l’éducation laïque à la citoyenneté, c’est bien l’objet du projet éducatif de l’école publique, c’est bien le contenu des thèmes développés à l’occasion des fêtes de la jeunesse laïque. A partir du moment où les citoyens sont éduqués à la tolérance active, non seulement la vie démocratique s’en trouve grandement facilitée mais les conflits issus d’une recherche exacerbée « d’identités » ne peuvent qu’être diminués. Donner un sens à sa vie Tout homme est, parfois sans le savoir lui-même, à la recherche de « spiritualité ». Les sectes sont censées donner une réponse à ce questionnement, par le canal d’un maître spirituel ou gourou. Des études ont été effectuées sur le fonctionnement interne des sectes, sur leur financement, la vie leur membres. Toutes usent de la crédibilité humaine pour extorquer de l’argent, d’une manière ou d’une autre, ou mettent en danger la santé des adeptes. Elles constituent des refuges illusoires, endormant tout esprit critique, grâce à des certitudes vite affirmées. Un autre refuge illusoire et combien dangereux pour la santé est l’abus d’alcool, de médicaments et de drogues douces. La laïcité et l’humanisme sont à l’opposé de ces pratiques qui proposent à l’homme de conquérir sa destinée humaine, sans faiblesse, sans angoisse ni crainte inutile. La laïcité est le refus de l’illusionnisme. Posant les questions, en voulant voir les choses en face, la démarche laïque refuse les certitudes faciles mais invite les femmes et les hommes à rechercher davantage d’humanité et de solidarité. Donner un sens à sa vie, en rechercher l’utilité, répondre à des interrogations fondamentales a toujours été une démarche spécifiquement humaine qui n’est rien d’autre qu’un mouvement de spiritualité. L’humanisme peut aider à développer une spiritualité, à trouver les principes et idéaux éthiques qui procureront une vie de qualité, en s’appuyant sur des valeurs spirituelles. En occident, les diverses religions se sont proposées comme seul lieu de la vie de l’esprit, de tout ce qui donne un sens à l’existence. En réaction, les athées, les libres penseurs ont rejeté la notion même de spiritualité, ne voulant plus lier leur existence à une divinité. Mais de nombreux laïques et humanistes ont montré, de longue date, que vivre sans dieu peut également constituer une expérience humaine très enrichissante. L’humaniste n’est en réalité rien d’autre qu’une quête de spiritualité propre à l’espèce humaine et à chaque homme, que celui-ci fonde ses croyances sur un dieu, sur le progrès de l’humanité ou sur la perfectibilité de l’homme. L’humanisme contient une force morale car il oblige, en quelque sorte, ses adeptes à se situer personnellement. L’humaniste et le laïque voudront pouvoir poser eux-mêmes des jugements de valeurs sans s’en décharger sur une autorité morale quelconque. Ce chemin est sans doute plus difficile, mais combien plus exaltant, combien enrichissante. Sur ce chemin-ci, on rencontre des hommes et des femmes qui veulent se prendre en charge. Des hommes et des femmes qui croient en la vision humaniste et font un enjeu du futur.

A la rencontre des autres :

Chacun pour soi. L’égoïsme d’une telle attitude saute aux yeux. Si chacun agit de la sorte, que devient la vie en société ? Chaque individu recherche une part de bien-être. Bertrand Russel, dans plusieurs ouvrages remarquables, a montré que le chemin que préféreront les humanistes et les laïques est celui de la qualité de vie (the good life) et la quête du bonheur. A l’évidence, il s’agit d’une approche de la réussite dans la vie plus nuancée que la « lutte pour la vie », « the struggle for life » des Anglos-saxons. Cette voie n’exclut pas la réussite matérielle mais repose avant tout sur deux éléments indissociables : l’amour et la connaissance, amour compris dans son sens le plus large. La connaissance est celle qu’apporte la science, c’est-à-dire vérifiable, reproductible et en rapport concret avec la réalité. La recherche d’une qualité de vie suppose de savoir faire des choix. Ceux-ci seront éclairés non par des dogmes religieux, des préjugés ou des idées reçues, mais par une bonne connaissance objective de la situation et guidés par l’amour porté à ce qui nous entoure.

Le repli du régionalisme Les guerres entre États deviennent moins fréquentes qu’auparavant. Le XXe siècle a développé des moyens internationaux pour régler la plupart des conflits entre États, que ceux-ci soient d’origine économique, sociale ou politique. Par contre, des conflits éclatent entre des entités régionales différentes, au sein d’un même État ou situées sur plusieurs États. La crainte se fonde que le XXI siècle ne figure dans l’histoire comme le siècle des conflits inter-régionaux. Or, la plupart de ceux-ci se sont développés sur la notion - souvent abstraite - d’identité perçue par les populations - à tort ou à raison - comme une différence de l’autre avec en plus le sentiment exaltant d’une supériorité que cette différence paraît leur apporter. Certes une appartenance - identification - peut être source de créativité à condition de ne pas être vécue en opposition avec l’autre. Que les cultures, les religions, les langues soient différentes est une évidence. Mais qu’est-ce qui permet d’établir que, parce que différentes, elles ne sont pas égales entre elles. Pourtant de tout temps, des hommes se sont employés à tenter de prouver que leur culture, leur religion, leur langue ou leur passé, voire leur type d’hommes était supérieur à celui du voisin. Les uns diront que leur religion est la « seule vraie », les autres que les gens de leur culture ou de leur langue possèdent un droit du sol antérieur à celui des habitants actuels. Toutes ces attitudes ont un commun dénominateur : l’intolérance. Elles reposent sur des certitudes et soi-disant évidences qui n’ont aucun support scientifique. L’histoire européenne est faite de génocides, de luttes d’écrasement, de luttes ethniques et religieuses.

Les extrémismes

Lutter contre les extrémismes, endiguer leur montée, arrêter la marée noire sont les maîtres mots des partis politiques démocratiques, des associations de citoyens, que ceux-ci participent de mouvements de droits de l’homme, d’associations laïques, chrétiennes ou autres. L’histoire est trop récente pour oublier les méfaits, crimes, holocaustes et destructions causées par ceux qui ont pris le pouvoir puis mis en place des dictatures. Nazisme, fascisme, stalinisme, sont les noms de quelques-uns de ces régimes. En occident, à la fin de ce siècle, de nouveaux groupes d’extrême-droite reprennent les mêmes slogans aux accents de racisme et de nationalisme étroit. Ils flattent les populations en exaltant la supériorité de leur culture, de leur passé ou d’une ethnie. À nouveau, une partie non négligeable de la population mord à cet hameçon, écoeurée par certaines pratiques de milieux financiers ou politiques, désorientée par le chômage ou craignant d’éventuelles révoltes que le chômage et l’exclusion pourraient provoquer. Comment éviter que ne se renouvellent les atrocités qu’une génération entière encore présente a connues ? Comment faire comprendre à la population que désigner un ou plusieurs boucs émissaires - les immigrés, les juifs ou les franc-maçons sont les plus fréquemment cités - ne résoudra jamais aucun problème ? Il n’y a certes pas de recette miracle mais différentes pistes peuvent être tracées, dont certaines ont été soulignées précédemment. La toute première condition revient comme un leit-motiv : éduquer des citoyens responsables c’est à dire capables de discernement et de jugement nuancés et en même temps, éduquer à la tolérance.Tous les hommes sont égaux dans leurs différences. La science nous enseigne que les théories glorifiant le racisme sont fausses et sans fondement. Mais il n’y a pas que l’individu à éduquer, les sociétés dans leur ensemble se doivent d’approfondir valablement les garanties des droits de l’homme. Si l’on souhaite que la population ne se tourne davantage vers les courants d’extrême-droite, ne convient-il pas que le citoyen responsable puisse exercer sa responsabilité, en particulier sur les matières qui conditionnent son existence. Comment se comporter en citoyen responsable sans bénéficier d’un emploi ou en vivant dans des conditions précaires ? Quelles décisions pourraient être prises ? Parmi celles-ci, la maîtrise des choix techniques et des choix économiques nécessite d’être repensée, dans un esprit d’approfondissement démocratique.

L’éducation à la démocratie

Les choix économiques n’ont pas toujours pu être justifiés par une meilleur rentabilité à long terme de l’entreprise qui espérait obtenir davantage de profit. L’étiquette « nouveau » qui habille de plus en plus fréquemment certains produits lancés sur le marché suffit-elle - même si elle est susceptible d’attirer de nouveaux clients - de justification pour autoriser par exemple la fabrication de produits dangereux pour l’environnement ? Ces questions qui font actuellement l’objet d’études et n’ont jusqu’ici reçu que de timides réponses devront impérativement recevoir des réponses claires et fermes. Encore une fois ce ne sont ni des gourous - soi-disant maîtres à penser - ni des hommes providentiels qui seuls ou à quelques-uns pourront résoudre ces questions à la fois techniques, économiques, sociales et par conséquent à forte teneur politique.Comment éviter le chômage permanent et l’exclusion d’une partie de la population, y compris dans les pays développés, comment répartir de manière plus égalitaire les richesses produites dans le monde, si les choix qui conduisent à ces situations échappent à la voie démocratique ou obéissent à une seule logique d’enrichissement personnel ? Une société laïque revendique une meilleure éducation de tous, c’est-à-dire une meilleure aptitude à comprendre les questions qui se posent et se poseront toujours. Une société laïque exige que les choix fondamentaux de société soient effectués dans la démocratie et non par quelques-uns, au nom du seul profit qu’il espèrent en retirer. Les questions éthiques qui se posent sur un nombre sans cesse croissant de sujets doivent être envisagées dans l’esprit, en n’abandonnant pas leur résolution à quelques experts, hors de tout débat public. Le Centre d’action laïque est intervenu, à plusieurs reprises, pour réaliser concrètement cette ouverture du débat. L’éthique, c’est choisir librement en toute connaissance de cause. Les laïques veulent bâtir une société qui a la possibilité d’évaluer les avantages et les inconvénients de l’application des nouvelles connaissances et techniques, pour ensuite être capable de choisir. Là réside, entre autres exemples, l’approfondissement de la démocratie. La laïcité comporte une méthode puissante qui a fait ses preuves dans la société occidentale : le libre examen. En invitant ses adeptes à la remise en question, au réexamen régulier, cette méthode évite l’enlisement et l’assoupissement dans des certitudes vides de sens, des réalités.

Extrait de © Centre d’Action Laïque - Campus de la Plaine ULB