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La place de l’oral à l’école

dimanche 24 janvier 2021, par phil

La maîtrise du langage oral est fondamentale pour penser, apprendre, vivre ensembles. Les activités et les pratiques liées au langage oral peinent pourtant à trouver une place dans notre modèle scolaire, une place à faire reconnaître, à revendiquer.

Peut-on faire de l’oral à l’école comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir ? A en croire les programmes scolaires certainement pas. Ceux de 2002 présentaient le langage oral comme « instrument de communication », mais aussi comme « moyen le plus puissant de représentation du monde » et comme « objet d’étude », et ce tout au long de la scolarité. En 2008 si l’importance de la place du langage oral a été réaffirmée pour la maternelle, elle a été singulièrement minorée pour l’élémentaire, la plaçant « au service » de l’écrit (lire ci-contre). Il n’en reste pas moins qu’« apprendre à écrire, comme apprendre à parler, c’est apprendre à penser », comme le disaient les instructions officielles de… 1938 !

Forcément, quand il arrive à l’école, l’enfant n’ignore pas le langage. Le premier environnement langagier dans lequel il commence à apprendre à parler, c’est la famille. Une entrée dans la langue, d’emblée porteuse de différences entre les individus, qui va marquer les premières inégalités sociales à l’école et influer sur le déroulement de la scolarité. « Les usages de la langue auxquels les enfants sont accoutumés sont fort différents selon les milieux socio-culturels, et tous les usages ne se valent pas par rapport aux exigences scolaires, exigences de l’élaboration de la pensée, de savoirs, des apprentissages » expliquait l’inspectrice générale Viviane Bouysse dans le cadre d’un groupe de travail sur la maternelle en octobre 2007. Le travail sur l’oral constitue bien une priorité dès le premier jour de la maternelle afin qu’à l’issue de la grande section, l’enfant devenu élève ait une bonne maîtrise langagière nécessaire à son entrée dans les apprentissages de l’école élémentaire. « Un déficit dans l’usage du langage parlé et surtout un retard dans l’exercice du langage a des répercussions sur la résolution de problèmes non verbaux » affirme l’enseignant spécialisé Gérard Toupiol (lire p 16) qui pointe la complexité de l’oral, « un vecteur important » de l’expression, de la médiation, de la socialisation et bien sûr des apprentissages. « Le rôle de l’école est donc de faire travailler l’oral, notamment aux enfants les plus fragiles qui n’en maîtrisent pas tous les usages », insiste la professeure en sciences du langage, Claudine Garcia- Debanc (lire p 19). L’enjeu d’un tel enseignement revêt une dimension sociale importante « pour aider les élèves à devenir des citoyens conscients qui écoutent, échangent, débattent, exposent leurs arguments ». Mais il touche également au métier d’élève qui est aussi d’apprendre dans l’interaction avec les autres, l’enseignant et les autres élèves.

Pour autant, l’oral qui est à la fois pratique permanente, outil de communication et objet d’étude, se laisse-t-il enseigner ? Il est vrai que cette question est peu posée, y compris dans la formation ou dans les inspections et que les enseignants ont du mal à s’en saisir. Cependant, le travail des chercheurs et linguistes permet de proposer des outils d’analyse et de classification des différents genres de discours oraux, des différentes situations langagières, etc (lire p 8). Mais devant ses élèves, le maître doit aussi maîtriser certaines compétences : repérer les types de langages, savoir écouter, reformuler, aborder toutes les variétés de l’oral. La compétence à elle seule ne suffit pas. La présence de classes à effectifs réduits ou la possibilité d’organiser le travail par groupes, le besoin de temps reconnu pour organiser des activités orales souvent « chronophages » font partie des conditions matérielles d’enseignement nécessaires à la pratique de l’oral. « La parole doit rester au service des apprentissages » soulignent pour leur part deux enseignants de l’école élémentaire de la rue Dunois à Paris lire pages 16 et 17. Françoise Vassort, la maîtresse du CP, souligne la complexité de la chose, la diversité des usages du langage. « Tout cela s’entrecroise : les objectifs et les compétences se mêlent à l’affectif, tout ne se découpe pas en choses évaluables ». L’important, c’est aussi de formaliser, d’expliciter les situations afin d’aider Pas lourd face à l’écrit Le Plan de rénovation de l’enseignement du français fixe en 1970 l’objectif de « ...rendre l’enfant capable de s’exprimer oralement et par écrit et capable de comprendre ce qui est dit et écrit ». Ce n’est qu’en 1995 que les programmes inscriront la maîtrise de la langue orale et écrite « au coeur des apprentissages » comme « compétence transversale » : « progressivement, l’enfant entrera ainsi de plain-pied dans les deux systèmes, comprendra les règles qui s’imposent à la langue orale et à la langue écrite, s’appropriera leurs codes respectifs ».

Cette préconisation ne prendra corps qu’en 2002, lorsque de nouveaux programmes proposeront une articulation respectueuse des deux langages, oral et écrit, et ce tout au long de la scolarité. Les programmes de 2008 conservent toute la place de la maîtrise du langage oral à l’école maternelle. Mais ce n’est pas le cas pour l’élémentaire, même si les préconisations de 2002 sont réputées inscrites « en creux ». Les compétences attendues en fin de CE1 et CM2 restent très succinctes, l’oral restant finalement « au service » de l’écrit. les élèves à prendre conscience des enjeux. C’est ce que réalise l’équipe d’enseignants à l’école de La Valbarelle à Marseille comme l’explique Dominique Matéo, une des enseignantes (lire p 17) : « on essaye de repérer sur l’emploi du temps quels sont les moments qui peuvent mobiliser un enjeu de langage ». Rien ne peut rester dans l’implicite.

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Source Eduscol