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Faire de la pratique de chacun un objet de réflexion pour tous

mardi 23 février 2021, par phil

Le CAREP (Centre académique de ressources pour l’éducation prioritaire) du Pays de la Loire organise des formations sous la forme de groupes « Recherche-Action-Formation » (GRAF).

- Les formateurs du CAREP souhaitaient axer le travail sur le rapport au savoir des élèves en grande difficulté scolaire et le type de relations que ceux-ci nouent avec leurs enseignants. La prise en compte des malentendus qui se tissent entre les uns et les autres a constitué un premier objet de réflexion. Les recherches menées sur ce thème montrent que les représentations du travail scolaire divergent et qu’il ne suffit pas que l’enseignant définisse le cadre de travail pour que les élèves se mettent en activité. Les attitudes de certains (absence de questionnement, dépendance à l’adulte, difficultés à se confronter à du non-connu) déstabilisent le cadre pédagogique, et le sentiment d’impuissance professionnelle semble alors faire écho au sentiment que ces élèves ont de l’inefficacité de leur mobilisation à l’école. Il est primordial d’accompagner les enseignants, confrontés à ces difficultés professionnelles, afin qu’ils puissent élaborer des stratégies pour que les « appels à l’aide » (mises en retrait ou formes d’investissement non scolaire de la classe) ne restent pas sans réponse pédagogique.

- Le souci de prendre en compte les élèves de 5e, les plus en difficulté et les plus difficiles de l’établissement, a conduit à la création de ce « défi-recherche ». Tous les mardis après-midi, 9 professeurs volontaires, la CPE, l’assistante sociale et 2 formateurs CAREP se sont réunis afin de construire ensemble des séquences dans les différentes disciplines sur un objet du programme. Les notions, les objets, les mises en situation, les outils proposés sont discutés et définis par le groupe. L’objectif de ces situations pédagogiques est de mettre l’élève en situation autonome de recherche et de lui fournir des outils nécessaires pour qu’il puisse réaliser la tâche sans faire appel à l’enseignant. Les professeurs ont donc à anticiper les difficultés et les besoins de tous. Les élèves sont confrontés à la même tâche et les aides sont individualisées, non par l’intervention du professeur, mais par la mise à disposition d’outils différents.

- Une fois tous les 15 jours, chaque classe de 5e participe à l’un des cours préparés par le GRAF. Un membre du groupe de recherche observe le déroulement de l’activité (modes d’intervention du professeur, attitudes des élèves en grande difficulté). La consigne est de travailler tout seul, sans l’aide des autres mais en pouvant utiliser les outils mis « à disposition. L’enseignant se met en retrait et attend les sollicitations des élèves. 1 h 30 est consacrée à l’activité, les 30 minutes restantes servent à des échanges avec les élèves sur les modes d’entrée dans le travail, les difficultés, les outils utilisés, les résultats obtenus, etc. C’est là un temps réflexif tout à fait intéressant car il se fait dans le prolongement de l’activité. À l’issue de la séquence, l’observateur rédige un document qui rend compte des interventions de l’enseignant et qui analyse la situation sur le plan pédagogique (pertinence de la situation et des outils, obstacles didactiques, demandes d’aide). Ces observations étayent la réflexion du groupe et permettent d’améliorer les séquences à venir.

- L’objectif de ce dispositif est la formation professionnelle des enseignants. Il s’agit de construire une profession-nalité qui intègre ces dimensions d’élaboration collective et de réflexi-vité. Au terme d’une année de fonctionnement, on assiste au renversement de certaines logiques professionnelles ; les conceptions de l’apprentissage, le rôle du professeur évoluent. Il apparaît nécessaire maintenant de proposer des situations dans lesquelles les élèves seront en réussite pour les amener vers des activités pour lesquelles ils ne manifestent pas a priori d’intérêt, de les confronter à la complexité des savoirs, de leur laisser le temps de construire notions et concepts avant l’évaluation. Le « défi-recherche », grâce au travail en classe entière et au développement de l’autonomie dans les apprentissages, vise à instaurer, ou à restaurer, la distinction symbolique entre enseignant/ adulte et élève/enfant.

- L’évaluation de l’impact sur les apprentissages est en cours mais le principal note dès à présent dans son bilan : « absentéisme nettement en recul », « arrivée en classe plus calme », « meilleure mise en activité », « relation plus détendue avec les adultes d’où moins de sanctions ».

- Avant ce projet, les enseignants se sentaient impuissants et renvoyaient les raisons des difficultés scolaires aux familles, aux élèves, au manque de moyens. Le travail collectif leur a permis de dépasser ce sentiment d’impuissance et de construire des réponses pédagogiques pour faire face à la scolarisation des élèves en grande difficulté scolaire. Le dispositif d’observation permet de construire des attitudes réflexives sur l’activité professionnelle.

- Cette formation-recherche a construit ui « espace de doute » où chacun se donne le droit de ne pas savoir, met en question ses pratiques pour les reconstruire avec d’autres. Au-delà de l’impact sur les élèves, les effets bénéfiques et remobilisateurs sur les personnes et sur le climat de l’établissement sont remarquables.

Louisette GUIBERT IA-IPR, Directrice du CAREP Pays de la Loire

Post-Scriptum :

Un document de synthèse sur les « enseignements » de cette action (et d’autres) est consultable sur les pages du Centre Alain Savary : www.inrp.fr/zep (rubrique CAREP).