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Rendre visible le travail enseignant

vendredi 15 janvier 2021, par phil

- L’entretien entre Anne Barrère et Frédéric Saujat visait à organiser une confrontation de points de vue et d’expériences entre deux chercheurs dont les travaux font référence et qui mobilisent des approches différentes : sociologie compréhensive pour l’une, clinique de l’activité et référence aux travaux de l’ergonomie de langue française, pour l’autre. Leurs choix méthodologiques ont été au centre du questionnement.
- Le but était d’identifier la production de connaissances auxquelles ces méthodes aboutissent et leur double dimension : validité scientifique et valeur d’usage. La dynamique de l’entretien a porté les interlocuteurs à mettre l’accent plutôt sur le dernier aspect, l’articulation entre recherche et formation trouvant naturellement sa place dans une revue consacrée à cette relation.

- Extraits d’entretien =

F. L. – Peut-on identifier comme différence entre vous l’existence ou pas d’une visée de transformation du travail ? A. B. – Absolument. J’avais l’idée de produire des connaissances face à l’insuffi- sance des connaissances globales sur l’enseignement comme travail, mais sans aucune visée transformatrice directe. En revanche, j’avais la conviction que pour le transformer il fallait en avoir une connaissance élargie. L’hypothèse était que cer- taines entreprises de transformation échouaient sur un déficit de connaissances sur ce qu’était l’expérience du travail enseignant. Je me situais donc de manière déca- lée par rapport à l’idée de produire des résultats immédiatement utilisables. F. S. – J’ajouterai, sur la question des rapports entre compréhension et transforma- tion, qu’un de nos soucis était justement de dépasser une situation où il y avait une accumulation de travaux cherchant à transformer le travail des enseignants de l’ex- térieur, sans s’efforcer de le comprendre. Le déplacement du travail « ordinaire » dans le contexte dialogique « extra-ordinaire » de l’auto-confrontation ouvre de ce point de vue un espace favorable au déploiement de ce qui est condensé dans la mémoire et les savoirs en actes des professionnels concernés. F. L. – Cela veut-il dire que si on n’a pas de visée de transformation du travail des enseignants on ne peut pas le comprendre ? F. S. – Nous ne posons pas le problème en ces termes puisque nous sommes systé- matiquement confrontés à des situations de recherche-intervention. Ensuite, à un second niveau, en lien avec l’ergonomie dite francophone, il y a le souci de com- prendre pour transformer à la demande des intéressés et avec leur concours. C’est le cas des modalités de co-analyse du travail pour lesquelles on ne peut se passer des protagonistes du travail, y compris dans l’élaboration des interprétations que le chercheur peut faire de ce travail. Mais si la transformation est une visée, c’est aussi pour nous un moyen : nous postulons qu’il faut provoquer le développement de l’ac- tivité pour pouvoir transformer une situation problématique. J’aurais donc tendance à répondre par l’affirmative, même si bien entendu il existe d’autres façons d’accé- der à la compréhension, qui ne passent pas par ces voies-là.

F. S. – Le travail que l’on cherche à faire, en empruntant à Yves Clot, c’est « à faire parler le métier » à travers des méthodologies spécifiques d’auto-confrontation (simple et croisée), d’instruction au sosie, des recours à la vidéo, etc. Le métier com- mence à parler dès lors que ce que se voient faire les enseignants devient difficile à dire, lorsqu’ils sont poussés dans leurs retranchements et que le prêt à penser n’est plus disponible pour identifier ce qui se joue en termes de problèmes posés par tel ou tel acte de travail. C’est lorsqu’il faut s’expliquer avec une action problématique que peuvent apparaître les déterminants de cette action en même temps que les dilemmes, les contradictions mais aussi les potentialités du métier.


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