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Personnalisation et individualisation des parcours des élèves

dimanche 7 mars 2021, par phil

Patrice Bourdon insiste sur les changements induits dans les métiers de l’enseignement. « Institutionnaliser des parcours d’aide personnalisée, par des enseignants ordinaires ou des maîtres spécialisés, voire des partenaires extérieures, dans ou hors du temps scolaire : c’est la prescription grandissante des institutions. Avec quels effets ? »

- Valérie Vincent interroge l’idée-même de la différenciation, en observant des séances d’enseignement de l’histoire. Elle s’appuie sur les travaux de Jacques Bernardin (Comment les élèves entrent dans la culture écrite) pour comprendre le rapport au savoir des enseignants. Elle veut mieux comprendre comment il influence les pratiques de l’enseignement, en cherchant s’il est possible de "vivre le savoir comme une aventure humaine" pour donner sens et chair à ce qu’il y a à apprendre, et faire comprendre aux élèves que les savoirs ont une histoire. (...)

- Pascal Ponté, Serge Thomazet et Corinne Mérini observent, eux, les modalités de collaboration entre les enseignants dans l’organisation de l’aide. Dans le cadre d’une recherche réalisée pour la FNAME (fédération des "maîtres E", en France), ils observent comment la nouvelle circulaire sur l’aide individualisée réorganise le travail du maître E qui devient "maître-ressource" en matière de difficulté, pour ses colègues "ordinaires". Leur métier est donc questionné, le temps réorganisé. (...)

- Christine Perrisnard et Marie-Paule Vannier s’intéressent aux pratiques "ordinaires" et aux pratiques "spécialisées" des maîtres E dans l’aide aux élèves. Elles ont construit une équipe de recherche pluricatégorielle, incluant même des inspecteurs. Grâce à des textes produits par les membres du groupe, les chercheurs estiment pouvoir mesurer l’état de conceptualisation des membres, et dégager des spécificités de l’aide spécialisée, telles que la pensent les maîtres E : "prendre le temps de la préparation à l’activité, prendre le temps des interactions en petits groupes, laisser le temps pour la réflexion de chacun à son rythme...". Toutes choses qui, selon eux, n’est que peu accessible aux enseignants ordinaires. CQFD. Evidemment, la circulaire de 2009 invite le groupe à se pencher sur l’articulation du travail avec les enseignants chargés de classe ou l’aide aux devoirs, notamment les PPRE. L’occasion d’y confronter les discours et les représentations des uns et des autres ?

- Isabelle Nédélec poursuit sur cette thématique de la collaboration. Elle décortique un dispositif d’aide dispensé par un maître spécialisé en coopération avec un maître ordinaire, en mathématiques, dans une classe de CE2, deux heures par semaine, pendant douze semaines. Les enseignants cherchent ainsi à éviter la "fragmentation du temps des apprentissages", en co-élaborant et en co-animant les séances. Le maître E qui intervient dans la classe travaille soit à reprendre des notions vues en classe, soit à de nouveaux apprentissages en bénéficiant d’un accompagnement particulier. Pour elle, cette "migration spécifique dans la classe de nouvelles manières de faire par l’enseignant spécialisé profite non seulement aux élèves, mais aussi à l’enseignant chargé de la classe qui peut ainsi percevoir de nouvelles manières de travailler les difficultés scolaires.

- Aide personnalisée et aide ordinaire : quel degré de parenté ? C’est une des questions de recherche de Corinne Marlot et Marie Toullec-Thery, cherchant à évaluer l’efficacité des pratiques d’aide et la compréhension des choix des enseignants. Ainsi, selon elles, l’aide en classe repose souvent sur une simplification des objets et des situations didactiques, cherchant plus à répondre à la question posée qu’à comprendre ce qui est en jeu. De même, les professeurs sont surtout concentrés sur "l’avancée collective du temps didactique" (l’avancée des objets de savoir sur l’axe du temps). Elles présentent deux situations contrastées : certains enseignants aménagent le milieu ou focalisent sur les progrès des élèves, d’autres simplifient la tâche ou se concentrent sur son exécution, en éclatant les tâches par rapport à la complexité des problèmes à régler. Dans ce cas, elles concluent que la "reconnexion" avec les objets de savoir ne se fait pas. C’est sans doute le signe que les représentations de ces enseignants placent l’origine de la difficulté sur le plan du comportement. Sans vouloir caractériser les "bonnes" et les "mauvaises" pratiques, elles considèrent que la centration de la tâche sur des "procédures de bas niveau" nuit à l’efficacité. La "posture surplombante" est pour elles trop guidantes, trop verticales. "C’est l’effet Jourdain, on fait comme s’il y avait du savoir produit, mais on reste sur des leurres".

- Frédéric Saujat

confronte cette approche à son propre cadre théorique : "l’activité réelle" de l’enseignant ne peut pas se réduire à son action didactique. Les pratiques sont toujours multi-finalisées, avec des micro-décisions et compromis à faire en tension. "Nous avons tout intérêt à travailler ces questions sans concession entre nous, et à confronter les conceptions (l’epistémologie pratique, diriez-vous) des chercheurs sur les apprentissages, comme l’indique ce que vous dites sur la place des procédures de bas niveau dans les apprentissages. Le travail technique, la place de la répétition ou de l’enseignement explicite méritent pour le moins discussion. Les chercheurs ne sont pas moins que d’autres porteurs de valeurs et de conceptions que les enseignants." Les oratrices acquièscent sur l’importance des automatisations dans les apprentisages, mais souligne l’importance de ne pas faire disparaitre, dans les situations d’aide, les enjeux d’apprentissage derrière les tâches scolaires. "Il ne suffit pas de mettre les élèves en petit groupe pour qu’ils apprennent !"

- Suite de l’article complet sur le site du Café pédagogique

- Opinion : Ces extraits invitent à poser la question de l’aide spécialisée, d’un étayage spécifique lié aux objets de savoirs et aux profils cognitifs, sociaux et affectifs des élèves. C’est d’un autre savoir faire professionnel dont il s’agit avec cette question vive. L’enseignant prépare ses séquences, anime son cours en le régulant et étayant les tâches d’apprentissage, il recherche une autoévaluation via un discours d’explicitation de ce qui est fait, appris et compris. Il s’attache à observer les enjeux de savoirs et conceptualisation derrière la tâche scolaire ; dans le meilleur des cas, il accompagne le cheminement de l’opération vers le penser sur l’opération, il sort l’élève de la matérialité de la tâche. Mais confronté à une remédiation spécialisée et multiforme, multicausale, son efficience est forcément réduite car cela convoque une compétence professionnelle précise à laquelle il n’est pas préparé. Mais, peut-on, doit-on l’y préparer ? Sous quelles conditions et avec quels moyens et espaces d’interventions ? Préparer, animer et évaluer sont les casquettes professionnelles élémentaires de l’enseignant. Peut-on ajouter le principe supplémentaire de l’individualiser avec une remédiation spécifique : en définitive, la casquette professionnelle d’un " réparateur " de savoir non acquis ou en voie d’acquisition. C’est une question vive à ne pas évincer sous couvert de management économique et mépris de réflexions éducatives et professionnelles. Phil