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La classe Plaisir

mercredi 24 mars 2021, par phil

Choisir son activité, se faire plaisir, mais in fine apprendre... sans le savoir. Quand le savoir est synonyme de plaisir d’apprendre... afin de goûter la saveur des savoirs... (cf. l’ouvrage de Jean-Pierre Astolfi)

Les élèves étaient désarçonnés par cette proposition. Choisir quoi faire ? Être libre de décider comment organiser sa journée ? Je venais déjà de casser l’alignement des banquettes pour proposer que nous soyons en cercle, et voilà que je brisais la routine quotidienne.

Leur réaction m’a surprise parce que nous étions dans une école avec un fonctionnement expérimental, les quatre classes de CP et CE1 se partagent les locaux et les outils de travail. Deux plages horaires sont dédiées au travail en autonomie quotidiennement pour chaque classe. Les élèves prennent alors leur portfolio de compétences et décident quoi travailler. Ils s’installent où ils le désirent dans la pièce dédiée, seuls, ou à plusieurs. Ils font appel aux adultes lorsqu’ils en éprouvent le besoin. Ce sont donc des élèves autonomes dans l’organisation de leurs apprentissages scolaires.

J’ai alors demandé à chacun de préciser une chose qu’il aimait particulièrement afin que nous voyions ensemble comment nous en emparer. Les langues se sont déliées, chacun avait quelque chose qu’il aimait : de la promenade dans un parc, à la piscine, en passant par chat glacé, la lecture…

Ensemble nous avons étudié la faisabilité de chaque proposition. Impossible d’aller à la piscine ou dans un parc. La question de l’heure s’est posée, ils m’ont parlé de la récréation, des ateliers autonomes… Conscients des incontournables de l’école avec ses rituels, ils ont cherché à lire l’heure. Débat, discussion pour connaitre la fonction de chaque aiguille de la grande horloge avant que R. ne propose que nous lisions l’heure sur le cadran électronique de sa montre. Sauvés… nous en avons déduit la fonction de la petite aiguille ! Pour la grande, il y a eu débat. Nous n’avions pas à disposition de matériel adapté à l’apprentissage de la lecture de l’heure. Certains élèves sont restés un certain temps à observer les mouvements de l’aiguille et celui de l’écriture digitale. Soudain un élève qui regardait silencieusement un porte-vues d’œuvre d’art que j’avais apporté est venu me montrer la reproduction d’un tableau de Delaunay. « C’est une horloge. Elle est coupée en quatre. On peut lire l’heure ! Il y a les quarts d’heure marqués ! »

Il a essayé de la reproduire. Un camarade qui avait terminé l’écriture de la règle du chat glacé a pris le baril de feutres pour dessiner un grand cercle, puis il a arpenté la pièce à la recherche d’objets à base circulaire. Il les a posés, les a rangés par ordre décroissant et a tracé une cible. Il a été observé par ses pairs que j’ai encouragés à l’imiter s’ils pensaient que cela leur permettrait de tracer des cercles (nous n’avions ni compas, ni ficelle…).

Voilà que tous les élèves ont souhaité réaliser un cadran coloré. Pour indiquer l’emplacement des heures, j’ai proposé que ceux qui avaient terminé montrent et aident les autres. Nous n’avions qu’une journée, et tant de choses à faire… d’autant que de retour de la récréation, ils avaient naturellement été chercher leurs portfolios de compétences pour profiter du temps réservé au travail en autonomie.


Post-Scriptum
Prendre le parti du savoir Le problème n’est donc pas qu’on se soit détourné des savoirs, puisqu’ils n’ont jamais vraiment été placés au cœur du fonctionnement de l’école, mais que le niveau social d’exigence devient tel qu’on ne peut plus les esquiver ! C’est pour cela que je pense utile de prendre aujourd’hui (ou plutôt de reprendre) le parti des savoirs. En fait, c’est une vieille question, qui remonte au moins à l’époque de l’Encyclopédie et des lumières. Car ce ne sont pas les conservateurs, mais bien des révolutionnaires comme Condorcet ou Lakanal qui, sous la Convention, ont mis en exergue la dimension émancipatrice des savoirs, en associant fortement connaissance et démocratie. S’il existe bel et bien une conception élitiste des savoirs (on a les noms... !), j’essaie d’en défendre une autre, à visée démocratisante. Il me semble que ce qui les oppose, ou du moins les distingue, c’est la dimension patrimoniale privilégiée par les premiers (un capital culturel à transmettre à tous), et la dimension opératoire recherchée par les seconds (des outils conceptuels à approprier par chacun).
Suite de l’article : http://www.cahiers-pedagogiques.com/La-saveur-des-savoirs


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